Thursday, March 04, 2010

45 : Xynthia, la marée était trop belle...

Février est déjà presque un souvenir, je ne vois pas le temps défiler avec tout ce qui se passe sur le bateau... Le portique élévateur nous a fait prendre de la hauteur, on se trouve ainsi perchés à 10 mètres d'altitude, bien calés sur un ber où un camion grue vient rapidement retirer l'ancien moteur et amener son remplaçant dans une manœuvre millimétrée, chapeau ! Fabrice le mécano commence son office tout en m'expliquant ce qu'il fait, c'est cool, d'autant que c'est du travail bien réalisé...

Avec l'installation du nouveau moteur, Fabrice refait aussi tout le circuit d'eau de mer, la ligne d'échappement, la ventilation de la cale, le circuit électrique, la ligne d'arbre d'hélice... J'en profite pour lui faire réviser toute l'installation électrique du parc de batteries, selon les normes actuelles de sécurité, exit les spaghettis de fils électriques rafistolés et de dominos mal isolés qui pullulaient dans toutes les directions, un vrai plus pour la fiabilité du bateau...

Je profite également de ma condition élevée pour faire de la peinture à l'eau, enfin c'est l'aspect le moins écologique de la navigation à voile puisque la peinture apposée est chargée de produits toxiques pour dissuader les coquillages de coloniser la coque... Par contre, huîtres, moules, bulots, praires... sont toujours les bienvenus dans l'assiette !

J'occupe également mes journées à vider mon portefeuille au fur et à mesure que se remplit la cabine avant, dans laquelle s'entassent les divers équipements, les outils, bref un sacré bazar ! La voiture aussi est mise à contribution, heureusement que Jim est parti travailler à Barcelone, l'espace est compté ! Les magasins d'accastillage ont le sourire à me voir passer, mais si ça me coûte les deux bras, au moins j'aurais un canot tip-top pour frétiller sur l'onde bleue, et puis les bras, ça repousse... Nico entame la réalisation du portique en inox qui accueillera le panneau solaire, l'éolienne et diverses antennes et donnera au bateau un authentique cachet de voilier de voyage...

Puis arrive le jour de la remise à l'eau, le nouveau moteur émet un bruit sympa, c'est chouette ! Éric, qui possède « Zarathoustra », un Dufour 34 comme le mien, avec qui on échange des idées, des conseils, des outils et des ti-punchs vient me prêter assistance pour les manœuvres et l'amarrage du bateau, opérations assez délicates à faire tout seul...

Dans la nuit survient un coup de tabac, avec des rafales frisant les 100 km/h, une première nuit blanche, d'autant que mon bateau est pris en sandwich par deux autres voiliers qui attendent leur tour de sortir de l'eau, pas confortable comme situation...

Aussi, dès le lendemain je préfère rejoindre le ponton d'accueil du port des Minimes, où l'on se range dans un mouchoir de poche non loin du bateau d'Éric. Et l'on se prépare à subir les assauts d'une tempête annoncée pour la nuit d'après, en doublant les amarres, en rangeant le pont, en calant les affaires dans les coffres et à l'intérieur, enfin presque tout...

Minuit arrive dans un calme parfait pour l'heure du crime... et puis soudain Eole se réveille, tel un diable jaillissant de sa boite, la turbine commence à vrombir de plus en plus sous la lumière laiteuse de la pleine lune, la houle se lève dans le port...


Le bateau, pris par le travers, accuse une gite impressionnante et est balloté violemment contre le quai, émettant des craquements sinistres et ça recommence sans que le souffle infernal ne semble vouloir en finir, ce qui n'était pas correctement calé valdingue dans le carré... Stress maximum et la désagréable impression d'être dans une balle que l'on lance et relance contre un mur... Le courant se coupe alors que l'anémomètre enregistre une rafale à 142 km/h vers 3h30, il y a déjà eu des vents plus forts mais leur combinaison avec une très forte marée va donner un nom à cette catastrophe naturelle, Xynthia, qui va révéler un caractère de tueuse en série (plus de 50 morts), laissant des plaies qui nécessiteront plusieurs années avant de cicatriser...

La fatigue me couche vers 6h, après une très mauvaise nuit durant laquelle la nature a martelé sa puissance et imposé sa loi... mais mon bateau est toujours sur l'eau ! J'en réchappe avec seulement des retouches à faire sur ma peinture de coque...

Le soleil dominical va amener sa cohorte de badauds friands d'images de désastres, ils sont servis avec les inondations induites par la marée haute, quelques bateaux coulés ou couchés sur le flanc et 7 kms de pontons détruits dans le seul port des Minimes... Puis vient tout le battage médiatique qui va révéler l'étendue de la catastrophe...

Mes amis les Salmon qui avaient loué un gîte à Charron pour une semaine ont été bien inspirés de partir la veille, ils se seraient retrouvés sous 2 m d'eau... Et pour ce qui est des fruits de mer, maintenant ils vont se faire rare, toutes les parcs à huitres ou à moules sont détruits !


Je suis bien content de m'en être sorti ! Un grand merci à tous ceux qui m'ont apporté leur soutien, ça fait du bien au moral... Le soir venu, la pleine lune illumine une mer d'huile, sans un souffle de vent, quel contraste avec la nuit précédente !

Quand même... ma navigation croise la trajectoire d'une tempête à La Rochelle, l'île de Madère a été submergée par des inondations torrentielles il y a une quinzaine de jours, un cyclone a déjà frappé la Polynésie cette année... Alors, les climato-sceptiques, toujours aveugles et bornés ?


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