Tuesday, May 10, 2011

72 : Poniente !


C'est le vent du ponant espagnol, donc qui souffle de l'Ouest (précision pour ceusses qui ne peuvent retrouver où ils habitent sans un gps...) et c'est celui que j'attends pour rentrer dans la Mare Nostrum... Contrairement aux charts (les statistiques) qui indiquent une prédominance des vents d'ouest dans cette région au mois d'avril, il me faut ronger mon frein d'abord une semaine juste après avoir viré le cap Trafalgar avant de pouvoir franchir le détroit de Gibraltar en contournant la ville la plus au sud de l'Europe continentale, Tarifa...

Je m'arrête à proximité de cette pomme de discorde anglo-espagnole, Gibraltar, les espagnols ne supportent pas la souveraineté anglaise sur ce rocher (je me demande ce que pensent les marocains des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla...), il a même fallu qu'une frégate de la Royal Navy arraisonne une vedette de la Guardia Civil qui gênait délibérément les évolutions d'un sous-marin de l'Otan... Moi, j'sais pas, mais quand on pense à ce que les anglais ont engagé pour conserver leur souveraineté sur ces lointains cailloux des Malouines (sorry, des Falklands!), ils ne vont jamais abandonner cette forteresse stratégiquement placée sur l'une des voies maritimes les plus fréquentées du monde, et les habitants du caillou aimeraient bien qu'on leur foute la paix !
Bon alors là, c'est 2 semaines de Levante, vent d'Est puissant, puis 2 jours de Poniente et à nouveau 2 semaines de vents contraires à mes aspirations... J'ai loupé un premier train d'Ouest mais j'avais une bonne raison, puisque je repars de La Linea de la Concepcion avec 2 beaux réservoirs d'eau en dur, 300 litres sous les banquettes, un minimum pour qui veut aller loin... Merci encore Angel pour ton aide précieuse et ton bénévolat de traducteur, et pour nos discussions philosophiques...

Je pars enfin après avoir fait le plein à Gibraltar (environ 10 centimes d'euros en moins sur le litre de GO, y a pas de petit profit !), contourne Europa Point (et sa mosquée) et emmène Eclipse parcourir sa deuxième mer, sans brusquer, j'ai tout le loisir de méditer en Méditerranée...
Las, le vent m'abandonne à mi parcours, et malgré l'aide d'un banc de dauphins qui soufflent autour d'Eclipse dans le golfe de Marbella par une nuit sans lune, je suis obligé de remettre en marche le moteur si je ne veux pas retourner en arrière avec le courant de marée (jusqu'à 4 nœuds, c'est pas rien !)... 
55 miles en 25 heures dont 9h de moteur, pas génial pour arriver à Benalmadena qui se targue d'avoir été élue 2 fois meilleure marina du monde, ah bon ? Parce que bof ! A part se faire admirer par les badauds qui badaudent librement au cul des bateaux dans un décor kitsch au possible... Je n'y serais resté que pour aller faire un tour à Malaga et le musée consacré à l'enfant du pays, un certain Pablo Picasso...
Mais le musée est fermé le lundi et après je loupe mon train, alors je reprends le large, plein vent arrière donc sous génois seul, une houle d'un mètre pas tout à fait dans l'axe, mais quand je repense au golfe de Gascogne, je rigole ! J'alterne période de sommeil d'1/2 heure et de veille jour et nuit, heureusement qu'il n'y a pas grand monde sur l'eau, parce que même en réduisant mon génois à la taille d'un string pour la nuit, je déboule toujours à 5 nœuds, 122 miles en 24 heures, du bonheur ! « C'est comment qu'on freine ? » chante Bashung dans le poste...
Enfin, je tourne le Cabo de Gata au petit matin dans la lumière radieuse du soleil levant, la houle qui était montée à 2 mètres se calme enfin, je me fais moins secouer, mais le vent mollit aussi et même si je renvois la totalité de ma voile (hisse la mique!), ma vitesse diminue inexorablement... Que faire d'autre que de se boire une petite bibine en travaillant son bronzage ? Le poisson ne monte pas plus à bord à 3 nœuds qu'à 7 nœuds, je me fais une gamelle de pâtes « à la Tabarly »...
Il faut que j'ajuste ma vitesse (cad ma voilure) pour arriver dans la matinée à Cartagena, mais le vent, ce farfadet malicieux, disparaît totalement au douzième coup de minuit... Des souffles puissants, une grande tâche blanche qui glisse sous ma coque, une nageoire effilée aperçue furtivement à la clarté des étoiles, il me semble bien que quelques orques sont passés par là...
Mais l'aube me retrouve à 22 miles de mon objectif, soit 0 miles parcourus en 6 heures !
Bon, j'ai bien dormi ! Moteur, mon joli moteur, l'étrave d’Éclipse fend une mer d'huile aux reflets d'acier, créant un sillage vierge qui fait remonter à la surface quelques familles de dauphins endormis (ah ben oui, on gambade, on batifole, on pêche toute la nuit et au petit matin, allo y'a plus personne !).
Arrivé à bon port, la deuxième marina est la bonne, parce qu'on arrive en haute-saison, attention les tarifs ! Je vais certainement zapper les Baléares, j'ai pas les moyens de payer 232 € la nuit à Ibiza ! Et puis il me faudrait un équipage pour profiter pleinement des mouillages de cet archipel, certainement en avril prochain, avis aux amatrices (et 'eurs) !
En attendant, Cartagena mérite aussi qu'on s'y attarde, comme l'ont fait les phéniciens, les romains (les habitants ont retourné leurs tuniques pendant les guerres puniques, ce n'est pas unique...), les byzantins, les wisigoths, les vikings, les maures, les arabes, et, oh surprise ! Les espagnols ! 
Aujourd'hui les paquebots se succèdent déversant une marée de croisiéristes de toutes nationalités pour une escale d'une demi journée... L'histoire millénaire de cette ville s'est récemment ré-écrite puisque ça ne fait pas 20 ans qu'on a découvert un théâtre romain en plein centre-ville !
De même, l'archéologie sous-marine profite des travaux d'aménagement du littoral pour exploiter de nombreuses épaves qui ont croulées et coulées sous leurs amphores par vent fort...
Bon, c'est quand qu'il se radine, ce vent d'ouest ? No agenda... En attendant, j'échange des bons procédés avec Anne & Alain sur Hélios, ça fait 8 mois qu'ils sont ici, à mon avis, ça doit leur plaire quand même un peu !

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